PREDATORY SENSUALITY
Dorothée Bégué

I don't create out of nothing, out of an untouched material. I need its energy, its history. I cannot craft neither skin nor wood, nor try to represent it; I'm so fascinated by skin itself that painting or drawing it wouldn't satisfy me. I need its essence.
Out of animal relics or items, some new hybrid beings take form, some chimerical things appear, which have their own existence.
They irradiate an ambiguous energy, both caressing and provoking. Animal instinct expressed with a predatory sensuality.

SES OEUVRES RACONTENT UNE HISTOIRE
Michelle Le Roy

L'histoire familiale de Dorothée Bégué est à la source de son talent. "Je peignais avec mon père, je sculptais avec mon grand-père et ma mère vivait l'élégance au quotidien."
C'est donc tout naturellement qu'elle est devenue plasticienne et créatrice. "Mon travail exprime l'énergie qui m'habite et traduit les liens que j'ai avec les gens et la nature qui m'entourent." La nature, les choses simples, les matériaux la fascinent et racontent une histoire. "Tout est prétexte à exprimer l'animalité, la sensualité et l'énergie primitive."

A partir de vestiges d'animaux, qu'elle garde précieusement comme des trésors, ou d'objets trouvés dans les greniers, Dorothée Bégué crée des sculptures et leur donne ainsi une nouvelle vie, artistique cette fois. "Il ne me viendrait pas à l'idée d'acheter du cuir ou des plumes, ou encore du crin ou de la corne, j'ai trop de respect pour les animaux. Je récupère ces matériaux nobles, je les assemble et les magnifie, et toute l'animalité que j'ai en moi s'exprime par la création." Un plumeau, un gant en cuir, un morceau de fourrure, une corde de piano ou encore un bouton en argent : "Tout m'intéresse et m'interpelle, car ces objets, avec leur passé et leur histoire, détiennent une énergie, invisible certes, mais tellement forte et subtile à la fois." Ses créations deviennent plastrons, sculptures, parures ou tableaux et s'appellent Massacre rugissant ou encore Quetzalcoatl.

BESTIAIRE SENSUEL
Typhaine Gault

Des traits délicats surmontés d’une crête saillante, entre douceur et piquant, Dorothée Bégué expose un univers créatif chargé de tensions immuables.

Ses créations sont indomptées tout comme son instinct. Sculptures, objets, photographies, tout ce que Dorothée initie surgit de l’inspiration primitive. D’emblée, les coussins aux motifs léopards nous immergent dans une atmosphère inapprivoisée. Les objets parés de fourrure et de plumes qui nous entourent racontent tous une histoire. Ces sculptures sont créées à partir d’assemblage de matériaux réutilisés – bois, métaux, peaux – qu’elle collecte au gré de ses rencontres et de ses recherches. La plasticienne aime le travail des matières mais l’inspiration peut aussi lui venir d’images mentales, des formes qui murissent dans son esprit depuis l’adolescence. Et un des chemins les plus stimulants qu’elle prend pour créer reste celui de l’exploration de l’instinct animal. Cette fascination pour la bestialité, Dorothée la tient de son intérêt pour les religions animistes et vaudous qu’elle a beaucoup étudiées. Elle partage ces croyances qui attribuent une âme à toute chose (terre, animaux…) et s’imprègne à son tour des énergies de son environnement.

Ses créations sont de redoutables guerrières invasives et provocantes. Griffes, piques, chaines côtoient les fourrures et les perles chatoyantes.

En enseignant le yoga, elle a aussi appris à travailler sur son corps et se sert de celui-ci pour sculpter : « il faut que je sois en forme. Quand on est crevé c’est difficile de créer » assure-t-elle. Sa féminité est aussi son moteur artistique : cette sensibilité qui la tient en alerte sur ce qui se passe autour d’elle. Mais « femme » ne rime pas avec « fragilité ». Depuis qu’elle est enfant, Dorothée voit la vie comme un combat : « quand j’ai peur de quelque chose, je rentre dans le tas ». Et ses créations sont de redoutables guerrières invasives et provocantes. Griffes, piques, chaines côtoient les fourrures et les perles chatoyantes.

Quant à ses expositions, le public manifeste parfois des réactions déconcertantes. Certains hommes entreprennent de la séduire maladroitement comme si ses créations avaient réveillé leur instinct de prédateur. Les femmes, elles, saluent la liberté d’expression que dégagent ses œuvres. « Elles sont très sensibles à ce que je fais, les hommes, eux, ça les dérange », confie-t-elle. Elle ne jette pourtant pas la pierre à ces messieurs mais déplore le manque de discernement de certains, aux pratiques sexistes d’un autre temps. Libre, Dorothée continue cependant de faire ce qu’elle aime. Et on l’y incite, puisqu’elle a reçu le prix Claude Cahun en 2011 qui récompense le travail artistique d’une femme. Ainsi galvanisée, elle se lance désormais dans un projet photographique. En passant de l’autre côté du miroir le temps de quelques clichés, elle se transformera en animal, majestueuse et bestiale, à la robe voluptueuse et aux griffes acérées.

CES OBSCURS OBJETS DU DESIR
Franck Redois

Les objets de Dorothée Bégué inquiètent autant qu'ils fascinent.
Ils ont en tout cas valu à la sculptrice de recevoir le prix Claude Cahun 2011.
Une consécration qui ne l'incite pas pour autant à se prendre au sérieux.
"Les réactions parfois un peu trouble du public, notamment masculin, ne cessent de m'étonner.
Mes martinets caresseurs et autre colifichets à plume sont plus des recherches ludiques que le
reflet d'une quelconque obsession."

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 Dorothée Bégué